« Ils sont descendus de la cabine. Après avoir déverrouillé le fourgon, ils nous ont transportés, de nouveau par équipes de deux, en nous tenant par les bras et les jambes. J’ai suivi mon corps tout en glissant sur mon menton, sur mes joues, et regardé le bâtiment illuminé. Je voulais savoir à quoi il servait. Où nous étions, où mon corps était transporté.
Ils ont pénétré dans les sous-bois derrière le terrain vide. Suivant les ordres d’un homme, un chef apparemment, ils ont de nouveau superposé nos corps en forme de croix. Le mien était le deuxième en partant du bas, écrasé par les autres. Malgré ce poids, le sang n’en coulait plus. Renversée en arrière avec la bouche entrouverte, ma tête semblait encore plus livide dans l’ombre de la forêt. Une fois surmontée d’un sac en paille tressée, la tour de cadavres ainsi formée ressemblait à celui d’une bête énorme dotée de plusieurs dizaines de pattes. »
Extrait de « Celui qui revient », de Han Kang.

