La Belgique doit peser de tout son poids et prendre des mesures drastiques en matière de commerce et de coopération avec Israël afin de marquer sa profonde désapprobation vis-à-vis de la politique d’Apartheid imposée par l’Etat hébreu aux Palestiniens.
Par Jozef Smets, ambassadeur honoraire et Jean-Louis Mignot, ambassadeur honoraire, ainsi que plusieurs ambassadeurs honoraires de Belgique*
Publié le 1/08/2025 – Temps
Au cours de nos années de service diplomatique, nous avons déployé pas mal d’efforts pour présenter la Belgique comme un partenaire loyal et actif dans un ordre juridique international juste et soucieux du respect des droits humains. Cette approche semblait être au cœur de nos actions sur le plan international. C’est ainsi que nous avons fait campagne en faveur d’une reconnaissance la plus large possible de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI). Lorsque le Premier ministre israélien a fait l’objet de poursuite, un changement d’opinion inquiétant s’est produit, certains estimant savoir mieux que les juges de la CPI ce qui constitue un génocide.
Dans un nombre important de postes diplomatiques, nous avons fait partie de délégations d’ambassadeurs exhortant les autorités locales à prendre résolument des mesures drastiques contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Là nous savions dans quelle direction il fallait aller. Cependant, lorsqu’il s’est agi de Gaza et de la question palestinienne, nous semblons avoir complètement perdu la boussole morale. Notre attitude apparaît bien éloignée du profil présenté au cours de tant d’années. Si l’atténuation des souffrances humaines à Gaza est sans conteste la priorité la plus urgente, ce qui est en jeu relève de bien autre chose. La situation dramatique à laquelle est confronté le peuple palestinien est bel et bien le résultat de politiques : depuis des décennies, ce peuple est horriblement humilié et persécuté, chassé de ses villages et de ses villes et divisé en couloirs de plus en plus étroits.
Toutes les caractéristiques d’un apartheid
Depuis des décennies, on nous répète qu’il est « trop tôt ou pas opportun » pour reconnaître un Etat palestinien, alors que chacun sait qu’Israël fait tout ce qu’il peut sur le terrain pour rendre inviable toute structure étatique palestinienne cohérente. Ce jeu sinistre dure depuis des décennies, et nos collègues ayant servi à Tel-Aviv ou à Jérusalem peuvent en témoigner en détail. Alors que l’attention des médias se concentre à juste titre sur Gaza, les colons extrémistes ont pratiquement toute liberté en Cisjordanie, et les institutions et habitations palestiniennes sont également démantelées à Jérusalem-Est. En outre il faut prendre en compte les centaines de milliers de réfugiés palestiniens qui vivent dans la précarité au Liban, en Jordanie et en Syrie depuis trois générations. L’UNRWA (l’agence onusienne compétente) tente de soutenir près de six millions de Palestiniens. Israël est peut-être une démocratie à l’intérieur des « frontières de 1967 », mais il ne l’est certainement pas dans les Territoires occupés, où règne une sorte de régime militaire, avec toutes les caractéristiques d’un Etat d’apartheid.
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Oui, la terrible crise dans l’est du Congo et la guerre civile au Soudan exigent également notre attention prioritaire, mais il y a une différence majeure : Israël est comme un coucou dans notre nid. Il reçoit tous les soutiens, il fait même partie de notre complexe militaro-industriel et la coopération universitaire est importante. La Belgique est-elle trop petite et trop faible pour faire entendre sa voix ? L’Irlande et la Slovénie ont en tout cas eu ce courage, tout comme de nombreux pays du Sud qui n’hésitent pas à s’exprimer clairement sur Israël. Si l’UE refuse de prendre position, la Belgique doit envoyer des signaux bilatéraux forts. Tout diplomate sait qu’un Etat dispose de différents outils pour exprimer son mécontentement, allant de la convocation régulière de l’ambassadeur israélien à Bruxelles, à l’approbation du langage et des actions de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale pour les droits de l’homme dans les territoires palestiniens, en passant par le boycott des produits des territoires occupés, les sanctions contre les colons, la garantie des droits fondamentaux du peuple palestinien y compris la reconnaissance de l’Etat palestinien.
*Cosignataires : Renier Nijskens, ambassadeur honoraire ; Johan Swinnen, ambassadeur honoraire ; Lode Willems, ambassadeur honoraire ; Pol De Witte, ambassadeur honoraire ; Nancy Rossignol, ambassadeur honoraire ; Hervé Goyens, ambassadeur honoraire ; Michel Lastchenko, ambassadeur honoraire ; Bart Ouvry, ambassadeur honoraire ; Ivo Goemans, ambassadeur honoraire ; Luc Teirlinck, ambassadeur honoraire ; Danielle Haven, consule générale honoraire ; Leo D’aes, ambassadeur honoraire ; Benoît Cardon de Lichtbuer, ambassadeur honoraire ; Antoine Thomas, ambassadeur honoraire ; Rudi Veestraeten, ambassadeur honoraire ; Frank Van De Craen, ambassadeur honoraire ; Michel Godfrind, ambassadeur honoraire ; Dirk Verheyen, ambassadeur honoraire; Philippe Jottard, ambassadeur honoraire.
Envoyé par notre correspondant à Bruxelles
M.Jozef SMETS
ancien diplomate de l’ambassade de Belgique 🇧🇪 au Koweït

