Un corbeau et une colombe… et puis une imagination débordante
De toutes les créatures terrestres, le livre de la Genèse ne mentionne que deux animaux dans le récit du Déluge : le corbeau et la colombe. Mais au fil des siècles, artistes, théologiens et scientifiques ont comblé ces lacunes de diverses manières : certains par l’imagination et la mythologie, d’autres par les connaissances scientifiques de leur époque.
Images médiévales : des vaches aux dragons
Au Moyen Âge, les artistes européens ont peint des images de l’Arche de Noé remplie de vaches, de chèvres, de cochons et parfois de créatures mythiques comme des licornes et des dragons.
L’Europe de l’époque manquait d’une connaissance approfondie de la diversité animale mondiale. Elle s’appuyait donc souvent sur des animaux familiers de la vie quotidienne, auxquels elle ajoutait des créatures « exotiques » découvertes grâce au commerce, aux voyages et à l’exploration.
La Réforme et l’essor des tentatives « scientifiques »
Avec le début du XVIe siècle et la Réforme protestante, certains penseurs commencèrent à considérer ce récit comme un événement historique réaliste. De là naquirent diverses théories « scientifiques » sur le nombre et les types d’animaux :
• Le mathématicien français Jean Bouteaux (Burro) affirmait que l’arche ne contenait que 93 espèces de mammifères, les autres étant apparues plus tard dans la boue.
• Le jésuite espagnol Benito Pereira pensait que les insectes n’avaient pas besoin d’une place sur l’arche, car ils naissaient naturellement de cadavres en décomposition.
• Sir Walter Raleigh, l’explorateur anglais, pensait que certains animaux, comme les mules, n’existaient pas à l’époque de Noé, car ils n’étaient que des hybrides entre d’autres espèces.
Athanasius Kircher : Un philosophe à l’imagination débordante
Au XVIIe siècle, l’érudit allemand Athanasius Kircher publia son livre Arca Noë (L’Arche de Noé). Il y tenta de réorganiser les animaux de l’arche et de les classer selon une logique scientifique.
Cependant, ses théories reflétaient les croyances étranges de son époque, affirmant que certaines espèces n’étaient pas originales, mais plutôt le résultat d’une hybridation :
• La girafe ← résultait de l’accouplement d’un chameau avec un léopard.
• Le tatou ← L’accouplement d’une tortue avec un hérisson.
Suivant cette logique, Kircher émit l’hypothèse que Noé n’avait besoin que de :
• 130 espèces de mammifères
• 30 espèces de serpents
• 150 espèces d’oiseaux
pour repeupler le monde après le Déluge.
Plus sur les âges… moins sur l’arche
Ces interprétations, dessins et théories révèlent que l’imaginaire des gens à propos de l’arche de Noé reflète principalement leur culture et leur époque, plutôt que de révéler une quelconque vérité historique ou scientifique sur ce qui se trouvait à bord. Si le récit biblique offre une dimension spirituelle et symbolique, les images mentales qui l’ont accompagné au fil des siècles ont révélé comment les humains percevaient le monde naturel et leur relation avec les animaux.


