Son souvenir emplit l’air si clair que j’ai cru
que l’ombre d’un oiseau me tombait sur la tête.
Le tulipier d’un parc est d’un vert noir et cru.
Une bonté sans nom emplit l’azur, du faîte
des pignons enfumés au plus loin horizon.
Dans la salon où elle vint, dans le salon
où il y avait des lilas sombres comme la nuit,
il y a maintenant des roses dans un verre
et un bouton de magnolia que ma mère
a posé sur le piano creux et verni.
Cette fleur ne s’est pas encore épanouie,
mais elle s’est gonflée comme pour éclater,
et se soulève hors du vase, et l’on dirait
qu’elle va s’envoler au milieu de l’Été.
Je ferme ma croisée pour mieux enfermer l’ombre.
Je songe. J’ai souffert. Je ne sais plus. Je songe.
La pompe grince et mon chien dort sur le parquet.
Quand donc viendra le jour où, poussant le loquet
de la porte d’entrée qui rêve sous le cèdre,
sa main fera jaillir sur les dalles usées
tout ce que sa présence amène de lumière ?
(« Clairières dans le ciel 1902-1906 », 1916 ; Mercure de France).
Par M. Sylvain Fourcassié
Notre correspondant à Paris