J’ai souvent été interrogé par des chercheurs et des personnes intéressées au sujet du journal « Al-Nidaa », lancé par l’occupation irakienne en 1990 après la confiscation et l’occupation du bâtiment « Al-Qabas », transformé en siège du journal. Mes réponses se limitaient à ce que je savais du pillage et du vol de la moitié du contenu du centre d’information, ainsi que du matériel, des presses à imprimer et des autres ressources qu’ils avaient pu s’emparer. La période la plus sombre pour le journalisme koweïtien fut celle qui suivit la confiscation de tous les journaux par l’occupation militaire, immédiatement après le 2 août 1990, et durant laquelle l’attaché culturel irakien, Hamid Al-Mulla, commença à préparer le terrain pour le lancement de ce journal douteux. J’ai récemment découvert une thèse de doctorat d’Ahmed Al-Rawi et Haider Al-Kilabi, soutenue dans une université canadienne, intitulée : « L’invasion irakienne du Koweït et les politiques médiatiques dans la construction de l’État-nation : une analyse objective et appliquée du journal Al-Nidaa ». Cette étude révèle le rôle de la propagande dans la construction nationale en temps de guerre et la manière dont les régimes autoritaires façonnent l’identité nationale par le biais des médias.
Al-Nidaa a été publié pour la première fois le 11 août 1990, plus d’une semaine après l’invasion, et est devenu le seul organe de presse jusqu’en janvier 1991, date à laquelle les frappes aériennes ont débuté et sa publication a été brutalement interrompue. Il convient de noter que des bulletins clandestins ont été diffusés par des citoyens koweïtiens restés sur place pendant l’occupation, exprimant leur rejet et leur résistance. Selon l’étude, l’objectif était de monopoliser l’information et de manipuler l’opinion publique. Pour le parti Baas et le pouvoir en place, les médias n’étaient pas de simples outils de diffusion de l’information, mais bien une composante intégrante de la structure du pouvoir autoritaire. L’occupation a tenté, à tort, de manipuler l’opinion publique koweïtienne en faveur de l’Irak, mais elle a échoué. L’analyse porte sur 104 numéros du journal, sur un total de 140 publiés pendant l’occupation. Il s’agit de la première analyse universitaire d’Al-Nidaa en tant que document historique de propagande de guerre. Selon l’interprétation des chercheurs, Al-Nidaa n’était pas simplement un moyen de mobiliser le soutien interne en Irak, mais un outil de légitimation de l’occupation.
Les chercheurs ont obtenu des exemplaires du journal auprès de la Bibliothèque nationale irakienne et des archives de la Bibliothèque de Kadhimiya. L’étude s’est concentrée sur l’analyse des seules unes. La propagande baasiste s’articulait autour de six axes : les revendications historiques, l’exclusion des dirigeants, l’intégration sociale et politique, l’imposition de la loi, l’intégration économique et les revendications territoriales. On peut considérer cela comme le titre du discours de propagande baasiste, adapté pour légitimer l’invasion. L’analyse a révélé qu’« Al-Nidaa » était un outil médiatique au service d’un projet illusoire : présenter l’occupation comme un processus d’intégration légitime au sein d’un cadre national plus large – le plus grand mensonge de l’histoire du parti Baas et du monde arabe. En conclusion, l’analyse de contenu de 104 numéros a clairement démontré que le régime irakien utilisait ce journal pour imposer un discours officiel unique, tentant de légitimer l’occupation et d’anéantir l’identité nationale koweïtienne. Cette tentative s’est soldée par un échec retentissant. « Al-Nidaa » s’est démasqué avec la chute du régime qui l’avait créé.
Par notre envoyé
M.Hamza Elyan
Journalist et écrivain ✍



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