FRANCIS JAMMES (1868~1938)

J’ai vu revenir les choses…

J’ai vu revenir les choses de l’année dernière :
l’orage, le printemps et les lilas flétris,
et j’ai bu du vin blanc dans le noir presbytère.
Et mon âme est toujours terrible, douce et triste.

Pourquoi mon cœur n’a-t-il pas toujours été seul ?…
Je n’aurais pas ce vide affreux au fond de moi :
et, prêtre paysan, j’aurais orné les croix
de coquelourdes, de fenouil et de glaïeuls.

Notre vie extérieure eût été peu changée,
ô mère… qui aurais porté dans le jardin
le reflet aveuglant de l’eau pour arroser
les terreaux granuleux d’ombre bleue du matin.

… Plus rien. Je veux dormir à l’ombre de la lampe,
le front contre les poings et les poings sur la table,
bercé par ce continuel bourdonnement
qu’entendent ceux qui n’entendent pas d’autre voix.

(Le Deuil des primevères, 1901)

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La Gazette

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