FRANCIS JAMMES (1868~1938)

Eh ! Je sais bien…

Eh ! je sais bien qu’ils ont tous dit : vieillir est doux.
Mais je vieillis et je regrette la jeunesse,
et la joueuse de croquet, et les caresses
de sa main sur mon front posé sur ses genoux.

Quand donc viendra le temps où j’aurai cette force
de bénir, sans que j’aie de l’amertume au cœur,
des enfants respirant la sève des écorces
dans le ravin rempli d’églantières pâleurs ?

Heureux celui qui peut, dans l’enclos paysan,
à l’heure où lourdement sonnent les vêpres chaudes,
mettre dans d’autres mains les mains de ses enfants
qui se sont fiancés dans les framboises jaunes.

*
* *

Ne me console pas…

Ne me console pas. Cela est inutile.
Si mes rêves qui étaient ma seule fortune
quittent mon seuil obscur où s’accroupit la brume
je saurai me résoudre et saurai ne rien dire.

Un jour, tout simplement (ne me console pas !)
devant ma porte ensoleillée je m’étendrai.
On dira aux enfants qu’il faut parler plus bas.
Et, délaissé de ma tristesse, je mourrai.

(« Poésies diverses » in « Clairières dans le Ciel » (1902-1906) | nrf Poésie / Gallimard, 1982).

Illustration par notre correspondant à Paris
M.sylvain Fourcassié ( ancien attaché culturel à l’ambassade de France au Koweït ).

 

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