Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou”
Le philosophe Friedrich Nietzsche est célèbre pour ses aphorismes et ses courtes phrases percutantes. Aujourd’hui utilisées à tort et à travers comme slogans, mantras personnels, éléments de langage, que signifient-elles vraiment ?
Dorian Astor Philosophe et germaniste, spécialiste de Nietzsche
Ce n’est pas l’hésitation, l’incertitude, l’indécision, qui conduit à la folie, c’est de trop savoir, ou de trop croire qu’on sait, d’être sûr de savoir au point de ne plus douter du tout…
Bref, comme le dit Nietzsche, ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou.
Le philosophe appelle-t-il alors à renoncer à la recherche de toute certitude ? Dans quelle mesure dessine-t-il plutôt les voies d’une nouvelle recherche philosophique ?
L’invité du jour :
Dorian Astor, philosophe et germaniste, spécialiste de Nietzsche
La philosophie est une affaire de désir de vérité, de besoin de vérité. Nietzsche aura toujours à cœur d’interroger ce qui n’est pas interrogé par les philosophes dans leur démarche. Il y a un soupçon fondamental qu’on appellerait aujourd’hui “l’impensé des philosophes”. C’est la démarche critique de Nietzsche.
Dorian Astor
Philosophie et folie, un lien originel ?
Il y aussi une dimension plus mystérieuse à la philosophie, ce lien à la folie… Quand on regarde l’origine de la philosophie grecque et notamment à Delphes avec la Pythie, la dimension oraculaire du savoir : au temple de Delphes il y a ces deux préceptes, “Connais-toi toi-même” et “Rien de trop”, les départs de la philosophie grecque, au fond la Pythie et le savoir oraculaire se donnent dans la transe, dans un accès de folie… Cette mantique, Nietzsche la travaillera dès sa première œuvre avec cette notion de dionysiaque : que fait à l’homme la contemplation de la vérité nue une fois le voile de l’illusion levé ? Nietzsche a remis en cause cette partition entre le fond des choses, et le monde des apparences.